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132 SULLY PRUDHOMME

Vénus de Milo, dédié à Théodore de Banville, il a défini avec sa concision coutumière « cette élé- gance innée éclose sans effort », et la beauté tran- quille de ces statues qui nous enseignent

Un amour dont le cœur ne frémit ni ne saigne, Affranchi de l'espoir et des deuils du baiser.

Il a rendu la noblesse de son émotion avec des mots graves et forts, quand il proclame que devant les œuvres de l'art grec il croit entrer dans un temple,

Où le désir se tait comme dans un tombeau.

Pourtant dans ce poème où Sully Prudhomme parle comme un Parnassien, quelques vers s'insi- nuent que l'âme charmante et légère de Banville n'a pas dû lire sans étonnement. Il avoue que, sous l'action de ces œuvres harmonieuses qui éteignent les désirs du corps, l'âme est troublée profondément :

Car ta forme nous parle un grave et fier langage Qui vibre au fond de nous bien au delà des sens, Et le philtre sacré que ton beau corps dégage Ne trouble que notre âme et s'y change en encens.

La beauté avive un noble désir qui se prolonge souvent dans l'angoisse :

...La Beauté, miroir de l'idéal, attise Une soif de créer plus haute que l'amour.