Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/144

Cette page n’a pas encore été corrigée

130 SULLY PRUDHOMME

jamais dissimulé sous le voile de nos gestes et de nos paroles. Doctrine sombre, qui risquera d'éteindre à jamais son sourire et de murer sa pensée dans un pessimisme incurable.

Sully Prudhomme a défini la mélancolie devant la beauté, car la mélancolie se mêle souvent à l'admiration. Celui qui admire sent la distance souvent infranchissable entre la réalité où il vit et le rêve où il aspire. Cette mélancolie qui n'est pas sans noblesse enfièvre les joies de l'art. Devant la beauté, l'artiste est comme enivré, mais Sully Prudhomme s'étonne et s'inquiète, et n'a jamais connu cette sérénité d'enthousiasme qui donne un air de triomphe aux artistes grecs et aux amants de la forme : une indéfinissable inquiétude vient toujours troubler ses admi- rations.

Renan répétait que le génie grec n'a pas connu les amertumes de la pensée moderne. Il croyait que les artistes de la Grèce, poursuivant leur insouciant vagabondage à travers les apparences du monde, n'auraient pas admis que l'harmonie