Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée

114 SULLY PRUDHOMME

dans sa langueur et manifeste une fatigue émou- vante. Il s'agit toujours d'être simple et véridique, de révéler une loi de la vie.

La sérénité de Mare-Aurèle fut la récompense de sa douceur et de son savoir. Il put ainsi pro- clamer l'union de l'éthique et l'esthétique, des lois naturelles et des lois morales. Philosophie pacifi- catrice qui mena l'inquiétude de Sully Prud- homme à la confiance et à la paix! Ceux qui ont vu le poète dans la solitude de Châtenay n'oublie- ront pas sa douceur, le noble élan de sa tristesse, sa puissance d'admiration dont la souffrance n'amortissait pas la fraîcheur, et ils affirmeront que sa vie morale fut le commentaire de la philo- sophie du penseur antique.

En dressant la dignité de l'homme dans le cor- tège solennel des choses, Sully Prudhomme pré- cise et développe le rêve de Marc-Aurèle. Du texte des Pensées il a tiré tant de force, parce qu'il n'a pas vu dans son maître un mélancolique désabusé, mais l'optimiste qui jette sur le monde un regard dominateur et tranquille. Le Marc- Aurèle de Renan quelquefois renanise. Celui de Sully Prudhomme est bien ce sage qui apaise sa mélancolie par la connaissance de la loi et qui