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LE PAYSAGE INTÉRIEUR 109

silence. Sully Prudhomme a toujours souligné le caractère éminent de ce livre, dont la mélancolie redressée par le savoir s'achève en élan héroïque. Il se garde d'y voir seulement l'examen de con- science d'un moraliste surtout attentif à son âme. Il sait que le son que fait entendre cette œuvre n'est pas l'accent lyrique d'une sensibilité qui oublie le monde et s'exprime dans la solitude, mais l'accent dramatique de la pensée que les voix de la nature enveloppent. Toujours la nature provoque et prolonge l'enseignemeut du penseur. Marc-Aurèle fut, de tous les stoïciens, le plus décidé à rattacher à l'univers la raison de l'homme. Il demande à la nature de lui révéler ses actes essentiels, ses tendances et ses lois. Ainsi une vie morale intense apparaît comme la floraison de toutes les lois et de tous les progrès de la nature : grave leçon qui retentit dans l'œuvre de Sully Prudhomme, et qui la dérobe de plus en plus à l'effet accablant de la mélancolie indivi- duelle.

Ce sens de la réalité, cet examen constant des rapports qui doivent unir la pensée et l'action de l'homme à la vie des choses, cette manière féconde d'intégrer dans le domaine de la morale la vie de