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LE PAYSAGE INTÉRIEUR 95

Les premiers souvenirs de ce méditatif qui S'analyse sans cesse sont des souvenirs de tris- tesse. Car il apportait parmi les hommes uneàme endolorie, prête à sentir les meurtrissures du regret et tous les froissements du désir.

Dans ce paysage attristé par une mélancolie atavique, apparaît une figure de femme, séduisante et chimérique. C'est la jeune fille que le poète aima pendant sa jeunesse pensive, et qui s'est dérobée à son amour. Nous savons, en effet — par les aveux de ses intimes amis Léon-Bernard Derosne et Gaston Paris — que l'adolescence de Sully Prudhomme connut les épreuves de l'amour et de l'abandon. Il renonça à remplacer celle qui ne répondit pas à son appel, et il accepta de vivre dans la solitude. Mais l'amante a vécu, au fond de lui, d'une vie ardente et surnaturelle. Une forme pure et belle, lointaine et inaccessible, symbolisant le désir et l'amour, répand ses mobiles reflets sur la vie des désirs et des songes. Son souvenir, transfiguré par l'imagination du poète, s'insinue parmi ses sentiments les plus profonds, et se fera sentir dans sa doctrine de l'aspiration, de l'amour et de la solitude. Elle deviendra enfin la divine Stella du Bonheur et