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personnages de tuniques et de robes grecques. Verhaeren ne saurait encore trouver la force et la beauté dans la réalité des choses qui nous entourent. Aussi a-t-il rejeté cet ouvrage. Dans la distance qui sépare l’œuvre ancienne de la nouvelle, on peut mesurer avec fierté l’extraordinaire chemin qui, du poète traditionnel, conduit au poète vraiment contemporain.

Le contraste intérieur qui divise la nation belge, ce combat entre le corps et l’âme, entre la joie de vivre et le désir de la mort, entre la jouissance et le renoncement, l’alternative entre le oui et le non, tout cela est déjà marqué dans le contraste des deux livres, pas encore de main de maître, sans doute, ni dans toute la lumière de la réalité. Chez un poète vraiment sensible à l’émotion, ce contraste ne pouvait rester purement extérieur : il devait se résoudre à poser un problème intime, qui devait aboutir à un choix personnel entre le passé et l’avenir. Ces deux conceptions du monde, héritées toutes deux avec le sang, le poète en a pris conscience : s’il leur est possible de rester en bonne intelligence dans les réalités, elles doivent entrer en conflit dans l’esprit de ce poète : celui-ci doit prendre une décision, une décision violente, ou,