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porter aucun secours, il ne peut défendre leur bien, car déjà les héritiers sont là qui attendent. Les poètes seront ces héritiers, qui remplaceront la religion de jadis et ses fidèles — et il y a là un très curieux écho de la pensée de David Strauss ; — ils seront les gardiens de la beauté, qu’ils susciteront éternellement. Ce sont les poètes — et déjà surgit l’idéal profond du Verhaeren de l’avenir — qui agiteront comme un drapeau leur foi nouvelle sur le monde, eux « les poètes venus trop tard pour être prêtres[1] » et qui prêcheront un Évangile nouveau. Toutes les religions, toutes les croyances retournent à la mort et à la poussière. Comme Pan, le Christ lui aussi meurt ; ainsi devra mourir et disparaître la dernière et suprême conquête de l’esprit,

Car il ne reste rien que l’art sur cette terre
Pour tenter un cerveau puissant et solitaire
Et le griser de rouge et tonique liqueur.[2]

Dans cet hymne magnifique à la poésie, on sent que Verhaeren commence à revenir du passé et se tourne vers le premier chemin qui

  1. « Aux moines » (les Moines).
  2. Id. (idem).