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est buriné comme par Rembrandt ; on y voit les heures de prière, la rencontre pleine de gravité des moines, le silence entre les chants liturgiques. Les soirs dans la campagne suggèrent des images religieuses : c’est le soleil au crépuscule qui flambe comme le vin dans le calice, le clocher qui dessine une croix lumineuse dans le ciel, le tintement à l’heure de vêpres qui fait s’agenouiller les épis murmurants. La poésie du recueillement et de la paix y est exprimée, comme l’harmonie de l’orgue, la beauté des couloirs couronnés de lierre, l’idylle poignante du cimetière isolé… On y voit doucement mourir le prieur, et les moines porter les consolations aux malades… Rien ne sort de ce cadre strictement religieux, et le tableau est peint avec des lumières profondes en accord avec le calme grave du sujet.

Mais ici le pittoresque ne pouvait suffire au poète. Le sentiment religieux pose un problème bien trop intime pour que son âme pût être seulement touchée par ses manifestations extérieures même les plus caractéristiques. Le pittoresque est impuissant à pénétrer ce domaine qui, plus que tout autre, échappe au sensuel, qui est même le symbole contraire de la sensualité. La résolution d’un problème spirituel ne ressort pas