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vres de Maeterlinck, aux dessins de Fernand Khnopff, de Georges Minne, leur force mystérieuse. Verhaeren, lui aussi, s’est arrêté dans cette sombre contrée. Peintre de la vie belge, ces fantômes d’un passé qui s’évanouit ne lui ont pas échappé. À son premier livre, les Flamandes, il en a ajouté, en 1886, un second : les Moines. Il semble qu’il devait tout d’abord épuiser les deux sources d’inspiration de son pays, avant de conquérir un style personnel et moderne. Les Moines sont le retour de Verhaeren à l’art gothique.

Les moines sont pour Verhaeren le symbole héroïque d’un grand passé. Leur image grave était familière à ses regards d’enfant. Près de la claire maison où se passa sa jeunesse, s’élevait, à Bornhem, un monastère de Bernardins. L’enfant y accompagnait son père à confesse, et, pendant qu’il attendait dans les froids couloirs, il écoutait, étonné et peureux, la voix majestueuse et grave de l’orgue à la basse des chants liturgiques. Vint un jour béni où, avec une immense et pieuse crainte, il reçut, de leurs mains, la communion. De ce jour, ils demeurèrent pour lui, dans toutes les circonstances habituelles de l’existence, comme des êtres étranges,