Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la passion de la vie, la foi catholique et le renoncement des cloîtres ne sont nulle part aussi fortement, aussi profondément enracinés que dans cette Belgique, où la joie sensuelle marque par tant de vacarme son débordement. De nouveau se constate ici la polarité des contrastes. À la conception matérialiste du monde vient brusquement s’en opposer une autre, toute spirituelle. Alors que la masse du peuple, saine, robuste, et florissante, accepte la vie en toute franchise et la poursuit de son désir sans trêve, quelques hommes sont là tout près qui se désespèrent et qui ne vivent que dans l’attente de la mort. Le silence de ceux-ci est aussi constant que la jubilation des premiers. La foi austère pousse partout ses noires racines dans cette terre vigoureuse et féconde. Car le sentiment religieux reste toujours vivace, malgré le cours des siècles, au cœur du peuple qui un jour a combattu pour sa foi de toutes les forces tendues. Toute cette Belgique possède une activité souterraine et secrète qui se dérobe facilement au regard superficiel, car elle vit dans l’ombre et le silence. Mais de cette austérité qui se tait et se détourne de la vie, l’art belge a reçu cette nourriture mystique qui communique aux œu-