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trot régulier. Il y a divorce entre la pétulance du fond et la régularité de la forme. Il eût fallu que ces poèmes fussent la résultante de la vie pour faire éclater les moules impersonnels. On y sent bien la soif de vivre qui marque ce tempérament, la révolte qui se raidit contre tout héritage imposé, une force enfin qui par sa rigidité frappa de terreur les prudents et les myopes, mais cette force et l’art du poète sont encore enchaînés par les traditions, vieille et nouvelle. Verhaeren y est déjà un observateur passionné ; mais il n’est qu’un observateur, c’est-à-dire quelqu’un qui se tient au dehors, qui n’entre pas dans le tourbillon, qui regarde les choses avec sympathie, avec enthousiasme même, mais qui ne les vit pas. La sensibilité du poète ne perçoit pas encore du pays flamand une impression nette et personnelle. Il lui manque de se placer d’un point de vue nouveau et d’acquérir la formule adéquate. Il n’a pas encore cette surexcitation artistique, cette température d’ébullition, si l’on peut dire, qui plus tard débordera tous les vases, rompra tous les liens et qui n’exaltera, parmi les choses de la terre, que le moi lui-même parce que ce moi est déjà identique avec le monde.