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queur en feu. C’est une vraie orgie que toutes ces images qui bouillonnent, se jettent sur le papier et y restent étalées. Cette formidable sensualité ne s’en tient pas uniquement au choix du sujet, on la retrouve dans l’exécution. Il se complaît dans la compagnie de ces hommes affolés, comme des étalons en chaleur, qui se précipitent sur les mets odorants et sur la chair ardente des femmes, qui s’enivrent de bière et de vin, et qui, brûlés par tout ce feu englouti, en demandent la délivrance à des danses et à des étreintes. Parfois, entre deux de ces tableaux, apparaît un plus calme paysage, dans le cadre austère d’un sonnet on respire un instant. Mais la vague chaude du plaisir reprend son élan, et, de nouveau, dans tout le cours de ce livre, on ne peut plus songer qu’à Rubens, qu’à Jordaens, les grands artistes de la prodigalité vitale.

Mais l’art naturaliste se réfère à la peinture et non pas à la poésie. C’est le grand faible de ce livre d’avoir été écrit par un homme qui était déjà un peintre inspiré, mais pas encore le poète. Le verbe est coloré, mais pas encore libéré. Les mots ne savent pas s’y bercer à leur propre rythme. Pas d’emportement frénétique pour entraîner le poème : l’alexandrin le mène à un