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les côtés massifs, inesthétiques, qui passaient alors pour « antipoétiques ». C’est consciemment qu’il voulut piétiner, en quelque sorte, avec de lourdes et pesantes chaussures, sur les traces pleines d’ennui qu’avait marquées le passage des poètes français. Barbare, on l’accablait sous ce vocable. On lui opposait non pas tant la rudesse et l’âpreté de sa langue poétique, qui parfois trouve des sonorités gutturales comme celles des Germains, mais plutôt la sauvagerie instinctive de son goût, qui le portait invinciblement vers tout ce qui déborde de sonorités ou regorge de vie. Sa nourriture n’était ni le nectar ni l’ambroisie ; il se repaissait de lambeaux de chair rouge, arrachés vivants encore à la vie même. Ainsi il entra soudain dans la littérature française, comme un vrai barbare, un véritable sauvage de Germanie, pareil à ces Teutons qui jadis envahissaient les pays latins. Comme lui, ils se jetaient dans la bataille, de tout leur poids farouche, avec des cris rauques, et, tardifs écoliers, finissaient par recevoir des vaincus la haute culture, par acquérir, à leur contact, les plus délicats instincts de l’existence. Dans ce livre, Verhaeren ne décrit pas tout ce qu’il y a, en Flandre, d’aimable, de rêveur,