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sa vocation. Tout ce qu’ils proscrivaient, il l’a prêché, tout ce qu’ils proposaient en exemple, il l’a battu en brèche. À peine a-t-il quitté l’école, Verhaeren sent déjà monter en lui cet instinct vital et rebelle qui l’enfièvre et qu’il ennoblit ; il a le désir fou d’une volupté sans limite, poussée jusqu’à la douleur — désir qui est en lui si caractéristique. Donc l’état ecclésiastique ne lui inspire que de l’éloignement. Son oncle lui réserve la direction d’une fabrique, et cela ne l’attire pas davantage. Il n’est pas encore décidé à s’abandonner tout entier à la poésie : en tout cas, il ne veut qu’une carrière où il puisse librement développer son existence avec toutes ses éventualités. Pour retarder son choix définitif, il étudie le droit et se fait avocat, À Louvain, durant ces années d’études, Verhaeren a lâché la bride à son ardent instinct de vivre. En vrai Flamand, l’excès le tente plus que la mesure. Aujourd’hui encore, il aime à raconter son dangereux penchant pour la bonne bière belge, ses griseries avec ses compagnons, leurs danses à toutes les kermesses, leurs beuveries et leurs mangeries. Parfois, une sorte de fureur s’emparait d’eux, ils causaient quelque scandale et avaient maille à partir avec la police. Tou-