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sants et qui maintenant était du pain doré, à la bonne odeur chaude. Dans les jeux, il a contemplé avec admiration les gars robustes et joyeux qui savaient avec de lourdes boules culbuter les quilles chancelantes. Il a suivi les musiciens qui allaient de foire en foire. Et, sur les rives de l’Escaut, il a suivi le va-et-vient des bateaux aux pavillons de toutes les couleurs, et son rêve les accompagnait dans les pays lointains qu’il ne connaissait que par les dires des matelots et les images des vieux livres. Toute cette existence, le contact physique, familier et quotidien avec la Nature, ces expériences vécues des mille faits de la vie de chaque jour, devaient marquer profondément dans son souvenir. Il ne pouvait oublier cette vie en commun avec ses compatriotes, qui l’initiait aux rapports sociaux. C’est ainsi que se forma son vocabulaire technique ; c’est ainsi qu’il pénétra le mécanisme mystérieux de toutes les manipulations des métiers, et de l’adresse professionnelle ; ainsi il apprit à en connaître les difficultés et les fatigues, et il comprit que ce sont chacune de ces âmes éparses qui forment l’âme de la patrie.

Pour cette raison, Verhaeren est le seul des poètes modernes de langue française qui soit