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zons des landes et de la mer. Dans ce favorable milieu, un bonheur souriant lui tressa la couronne de ses jeunes années. Ses parents, en possession d’une belle aisance, s’étaient retirés loin des rumeurs de la ville, en un coin perdu des Flandres. Ils possédaient une petite maison : sur le devant, un jardin où flambaient les corolles de fleurs multicolores ; derrière s’étendaient les vastes champs dorés, coupés de haies broussailleuses et fleuries ; tout près, le fleuve aux ondes lentes, aux ondes qui savent qu’elles n’ont plus à se presser, proches de leur but, la mer infinie… Dans son admirable livre : les Tendresses premières, le poète, arrivé à la maturité, nous conte les jours libres de son enfance. Nous l’y voyons enfant, courant à travers champs, emporté à la dérive sur une barque glissante, grimpant sur les tours, observant semeurs et moissonneurs, écoutant les chansons flamandes des lavandières. Tous les métiers, il les a vu pratiquer ; il a fureté dans les moindres coins. Chez l’horloger, il s’est assis, étonné que l’heure naquît de petites roues bourdonnantes. Devant le four du boulanger, il a respiré cette fumée brûlante qui dévorait le blé, ce blé dont quelques jours avant sa main avait caressé les épis bruis-