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les a soutenus et raffermis. Il les a menés au combat, et, sans envie, avec joie, il a triomphé de leurs triomphes, même quand le succès de disciples plus heureux que lui jetait comme un voile d’ombre sur ses propres ouvrages. Et il en a ressenti de la joie, car son œuvre à lui n’est point tant peut-être dans les romans qu’il a écrits : elle est, magnifique et durable, dans la création de toute une littérature.

Il semble que, depuis ces dernières années, tout ce pays déborde de vie. Chaque ville, chaque métier, chaque classe de la société a suscité un poète ou un peintre pour l’immortaliser, comme si toute la Belgique ait uniquement voulu se symboliser dans les œuvres d’art, jusqu’à ce que vînt celui-là qui transformât en poème toutes les villes et toutes les classes, pour en extraire l’âme universelle du pays. Le génie des vieilles villes germaniques : Bruges, Courtrai, Ypres n’est-il pas passé tout entier dans les strophes de Rodenbach, dans les pastels de Fernand Khnopff, dans les mystiques statues de Georges Minne ? Ne sont-ce pas les semeurs et les mineurs qui se sont faits pierre dans les figures de Constantin Meunier ? Une ardente ivresse ne flambe-t-elle pas dans les descriptions