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races germaniques, à qui manquent la prestesse, la souplesse, l’adresse des Latins, qui s’instruisent non pas par l’étude, mais par la vie même. Comme un arbre, anneau par anneau, cette littérature a grandi ; ses racines pénètrent profondément dans cette terre nourricière que les siècles ont fertilisée. Semblable à toute religion, elle a ses saints, ses martyrs, ses maîtres et ses disciples. Le premier, le créateur, le précurseur, fut Charles de Coster, dont la grande épopée : Ulenspiegel est l’évangile des lettres nouvelles. Comme celui de tous les novateurs, son destin fut malheureux. Le mélange consanguin des races se manifeste chez lui sous une forme plus sensible que chez ceux qui lui ont succédé. Né à Munich, il écrivit en français et fut le premier à sentir en Belge. Il gagnait péniblement sa vie en exerçant les fonctions de répétiteur à l’École militaire. Lorsque son premier roman parut, il lui fut difficile de trouver un éditeur, et plus difficile de faire apprécier son œuvre à sa valeur, voire même de rencontrer la plus modeste estime. Et pourtant cette œuvre est admirable : Ulenspiegel, le sauveur de la Flandre, s’oppose à l’antéchrist Philippe II, et ce contraste reste encore