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tration. Partout où la politique se trouve nécessairement limitée, le système administratif réduit, c’est aux questions d’art que se consacrent presque exclusivement les natures géniales. Les pays Scandinaves, autant que la Belgique, en sont un exemple. L’aristocratie des intelligences s’y rue sur l’art et sur la science avec un merveilleux succès. Chez des peuples aussi jeunes, l’instinct vital doit a priori se traduire par une activité artistique saine et robuste ; même s’il y a décadence, la réaction est si violente, la dénégation si catégorique qu’elles sont capables de faire jaillir la vigueur de cette faiblesse même. Seule, une forte lumière engendre de fortes ombres ; seule, une race vigoureuse et sensuelle peut produire des mystiques véritablement empreints de grandeur et de gravité. Car il faut, à une réaction aussi catégorique et consciente de sa fin, autant d’énergie qu’à l’action positive.

L’art belge est comme une haute tour qui repose sur de profondes assises, et, pour qu’il surgît de la glèbe, il fallut un travail souterrain de cinquante années. Après quoi, en cinquante nouvelles années, il fut l’œuvre d’une seule jeunesse, d’une génération unique. Pour être saine, une évolution doit être lente, surtout chez les