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mation de l’alcool, la Belgique vient en tête de l’Europe. Sur deux maisons l’une est un cabaret ou un estaminet. Chaque ville, chaque village a sa brasserie, et les brasseurs sont les plus riches industriels du pays. Nulle part les fêtes ne sont aussi animées, aussi bruyantes, aussi effrénées. Nulle part la vie n’est aussi aimée, ni vécue avec plus de surabondance et d’ardeur. Ah ! certes, la Belgique demeure le pays d’intensive vitalité qu’elle fut toujours. Toujours elle a combattu pour sauvegarder son sens de la vie, pour jouir de l’existence pleinement et jusqu’à la satiété. Son exploit le plus héroïque, sa grande guerre contre les Espagnols, fut moins une lutte pour la liberté des cœurs et des esprits que pour celle des sens. Cette révolte désespérée, ce formidable effort n’en voulaient point tant au catholicisme qu’à sa morale, qu’à l’ascétisme, point tant à l’Espagne qu’aux perfidies de l’Inquisition, qu’à la rudesse astucieuse et sombre qui contrecarrait les appétits de jouissance, qu’à la froideur du taciturne et maussade Philippe II. Que réclamaient alors les Flamands ? Rien, sinon la joie de vivre au grand soleil, la liberté dionysiaque, l’avidité impérieuse des sens ! Ils prétendaient ne se mesurer qu’à la règle de leur exces-