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sociale, la formation continue d’une esthétique nouvelle conforme à cette évolution, les révoltes, les crises, les luttes que suscite toute innovation avant d’être pleinement comprise et acceptée. Verhaeren a tenté de représenter toute notre époque dans son expression physique et intellectuelle. Son lyrisme est le symbole de l’Europe à la fin du siècle précédent et dans son état actuel. C’est une encyclopédie poétique de notre temps, d’où se dégage l’atmosphère spirituelle de notre monde au tournant du vingtième siècle.

L’Europe entière parle par sa voix, et cette voix s’élève au-dessus du siècle présent. Aussi l’appel du poète a-t-il éveillé déjà plus d’un écho. En Belgique, Verhaeren est avant tout le poète national, qui chanta les landes, les villes, les dunes, et célébra le passé de la Flandre. Il a ranimé l’orgueil de son pays, et son génie est trop proche de ses compatriotes pour qu’ils en pénètrent toute l’ampleur. En France même, bien peu s’en forment une idée exacte. La plupart l’embrigadent dans le bataillon littéraire des symbolistes et des décadents : il passe à leurs yeux pour un novateur en prosodie, pour un intrépide et génial révolutionnaire. Certains pourtant ont saisi la nouveauté et l’importance de son œuvre lyrique et ap-