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celle de Nietzsche, donne à sa physionomie un air de puissance et de gravité. La race forte où il puise son origine se manifeste dans son ossature saillante, dans ses lignes frustes, et plus encore peut-être dans sa démarche pesante et courbée, d’un rythme étrange : c’est la démarche grave du laboureur, qui semble scander les vers harmonieux du poète.

Mais la bonté resplendit dans ses yeux couleur de mer, dont l’éclat n’a pas été altéré par la fatigue des années de fièvre ; la clarté, la fraîcheur de l’âme se révèlent dans ses gestes empreints d’une si franche cordialité.

Son visage exprime la force, à première vue, mais cette force paraît bientôt maîtrisée par la bonté. Ainsi toute physionomie véritablement expressive trahit les sentiments intimes de l’homme.

Bien des gens analyseront un jour l’art de Verhaeren, qui a déjà séduit beaucoup d’esprits. Mais personne peut-être ne le goûtera autant que certains apprécient aujourd’hui l’art de sa vie : cette personnalité originale. Ceux-là l’aiment avec cette angoisse et cette joie qui nous attachent aux biens qu’on peut perdre et qu’on sait ne pas pouvoir remplacer. Tous les contrastes