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Meunier, André Gide, Vielé-Griffin, Carrière, Signac, Van Rysselberghe, tous ces hommes dont le talent s’est manifesté dans des créations originales, entretiennent ou ont entretenu avec lui des rapports intimes. C’est dans ce cercle restreint qu’il passe ses journées de Parisien ; il évite soigneusement ce qu’on nomme la société, et se tient à l’écart des salons où se font les réputations, où se débattent les intérêts commerciaux de l’art. Il est d’une extrême simplicité, et cette modestie l’a rendu toute sa vie indifférent aux succès matériels : jamais il n’a voulu changer sa manière de vivre, jamais il n’a connu le désir de briller et d’exciter l’envie. Alors que le succès troublait les autres, les aiguillonnait et les affolait, il a toujours poursuivi sa route avec un calme inébranlable. Il a travaillé, laissant son œuvre se développer lentement et d’elle-même. Aussi la gloire qu’il s’est acquise, par des efforts suivis et continus, n’a-t-elle pas été un poids trop lourd pour ses épaules. C’est un véritable plaisir de voir comment il a soutenu cette dernière et suprême épreuve, comment il a su la supporter sans faiblir, avec joie, mais sans orgueil. La Belgique le célèbre aujourd’hui comme son plus grand poète. En France, c’est surtout la jeunesse