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souffle du vent, quand le printemps s’abat sur une contrée, l’homme sensible à ces phénomènes s’émeut au point d’avoir les yeux pleins de larmes, ses sens s’irritent, son esprit s’affole. Cette souffrance organique, cette douleur latente qui annonce le printemps, ce déchaînement exaspéré des forces vitales, cette pression de l’atmosphère ont toujours été pour moi comme un symbole du sentiment instinctif et physique que la nature inspire à Verhaeren. L’univers qui lui communique toutes ses extases, toutes ses voluptés obscures et muettes, semble aussi lui confier ses douleurs mystérieuses. Les phénomènes naturels paraissent ébranler son sang, son cerveau : entre le monde et le poète s’affirme une identité plus parfaite que chez les autres hommes.

Ces premières angoisses du printemps chassent Verhaeren vers les rivages de la mer ; il aime les rafales du vent, les élans sauvages des flots déchaînés. Il y travaille peu, car l’agitation de la mer l’agite lui-même. Elle berce ses rêves, sans lui inspirer une œuvre.

Mais Verhaeren n’est plus un primitif. Trop de liens le rattachent à ses contemporains, aux efforts, aux créations de l’esprit moderne, pour