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plus la voix des hommes ni le tumulte des villes. Il embrasse l’univers dans le rêve de ses vastes conceptions. Sa nourriture est saine et rustique. Il traverse les champs de bon matin, cause familièrement avec les paysans et les humbles bourgeois, qui lui confient leurs soucis, leurs petites affaires : il les écoute avec ce vif intérêt qu’il porte à toute forme, à toute manifestation de la vie. Ses grands poèmes s’élaborent au cours de ses marches à travers champ : son pas de plus en plus rapide scande le rythme de ses vers ; le vent leur apporte sa mélodie ; le lointain, l’évocation des larges horizons. Ceux qui furent ses hôtes reconnaissent dans ses poèmes des paysages, des maisons, des aspects, des personnages ; ils y retrouvent les travaux des petits artisans, et, par la magie de ses vers, des impressions ténues et légères se métamorphosent en sensations vigoureuses, brûlantes et comme éternelles.

Il passe l’été et l’automne en pays wallon, mais, au printemps, il gagne le bord de la mer, chassé par la fièvre des foins. Cette maladie m’a toujours paru symboliser l’art et le sentiment vital de Verhaeren, car c’est un mal élémentaire, si je puis dire : quand le pollen s’égrène au