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force unique tant de forces hétérogènes. La même santé large qu’on respire au début et à la fin de son œuvre anime le commencement et le terme de sa vie. L’adolescent, né dans cette saine terre flamande, a hérité de tous les instincts de cette forte race, et d’abord de la passion. Ses jeunes années débordent de passion. Le poète a donné libre cours à son exubérance : son intempérance s’est manifestée en tout, dans l’étude, dans l’ivresse, dans les relations sociales, dans le plaisir, dans la vie artistique. Ses facultés s’exaltèrent jusqu’à la limite extrême où ses forces lui permettaient d’atteindre ; puis, au dernier moment, il fit un retour sur lui-même et retrouva la santé. L’harmonie qui se révèle aujourd’hui dans son existence n’est pas un don de la fortune, mais un fruit de l’expérience. Verhaeren sut revenir en arrière à l’instant décisif ; comme Antée, il retrempa ses forces à la fontaine de Jouvence de son pays, dans le calme repos de la famille. Le sol, le pays l’appelèrent à eux. Au point de vue lyrique comme au point de vue purement humain, son retour en Belgique marque sa délivrance, le triomphe artistique que réalisa sa vie. Pareil à ce navire que le poète a chanté dans la Guirlande des Dunes et qui, après