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Le temps est enchaîné : l’avenir, la mort même, ne sauraient inspirer de craintes : « Qui vit d’amour, vit d’éternité. » L’amant ne redoute pas de voir ses sentiments s’évanouir dans cette mort qui se dresse au terme de toute route. Rien ne peut l’émouvoir dès qu’il se sait aimé. C’est une idée que Verhaeren a exprimée dans des vers admirables :

Vous m’avez dit, tel soir, des paroles si belles
Que sans doute les fleurs, qui se penchaient vers nous,
Soudain nous ont aimés et que l’une d’entre elles,
Pour nous toucher tous deux, tomba sur nos genoux.
Vous me parliez des temps prochains où nos années,
Comme des fruits trop mûrs, se laisseraient cueillir ;
Comment éclaterait le glas des destinées,
Et comme on s’aimerait en se sentant vieillir.
Votre voix m’enlaçait comme une chère étreinte,
Et votre cœur brûlait si tranquillement beau
Qu’en ce moment j’aurais pu voir s’ouvrir sans crainte
Les tortueux chemins qui vont vers le tombeau.[1]

Un troisième volume, les Heures du soir, fermera le cycle : ce sont les poèmes de l’âge. Les heures du printemps et celles de l’été ont sonné : elles s’évanouissent lentement dans les brouillards du souvenir. Bientôt, en cette couronne,

  1. « Vous m’avez dit, tel soir, des paroles si belles » (les Heures d’après-midi).