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les charbonnages, les hauts fourneaux qui, dans un ciel de cendres, clament le verbe en feu du travail ; voici qu’il traverse des champs dorés et de vertes prairies où paissent des vaches bien soignées et superbes ; puis ce sont de grandes villes, où le ciel se hérisse d’innombrables cheminées ; c’est, enfin, la mer — le Rialto du Nord — où s’en viennent et d’où partent des montagnes de cargaisons, où le commerce occupe des milliers de mains. La Belgique est à la fois agricole et industrielle, conservatrice et catholique en même temps que socialiste ; elle est riche et elle est pauvre. D’immenses fortunes s’entassent dans les grandes cités, tandis qu’à deux heures de chemin, dans les mines ou dans les huttes de paysans des existences pitoyables se traînent, en proie à la plus amère pauvreté. Dans les villes deux forces colossales se livrent un combat sans merci : la vie contre la mort, le passé contre l’avenir. Il y a des villes monastiques, isolées entre leurs lourdes murailles médiévales, où sur de noirs canaux aux eaux mortes glissent comme de claires gondoles des cygnes solitaires, — des villes où n’habite que le rêve, des villes closes d’un éternel sommeil. Non loin resplendissent les villes modernes :