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détourné : l’amour l’a occupé sans l’absorber. Ce n’est que plus tard, en ces années de crise où ses forces s’épuisaient, où ses nerfs se brisaient sous une tension trop forte, c’est alors que, la solitude se dressant en face de lui comme une ennemie, une femme est entrée dans sa vie.

Alors seulement l’amour, le mariage, symboles individuels de l’ordre externe et éternel, lui donnèrent le repos et la paix. À cette femme, Verhaeren consacra ses seuls vers d’amour.

Car dans son œuvre, qui se développe comme une trilogie, dans cette symphonie souvent brutale, il est aussi un mol et doux andante, une trilogie amoureuse. Ses trois volumes : les Heures claires, les Heures d’après-midi, et les prochaines Heures du soir ont une valeur artistique plus discrète, mais non moins réelle que ses grands poèmes. Ces livres réservent au lecteur un véritable étonnement. On s’attendait, de la part de cet homme sauvage et passionné, à des extases de visionnaire, à des ardeurs fougueuses. Tout au contraire, ces ouvrages ne s’adressent pas à une foule, mais à une seule personne : aussi ne doit-on pas les lire à voix haute, mais à mi-voix. La conscience religieuse — car, en un certain