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dépasse le panthéisme. Il ne se contente pas de communiquer avec le monde extérieur, de se refléter en lui : il vit de la vie universelle. Il ne sent pas seulement son sang se répandre dans les êtres qui l’entourent. À vrai dire, il ne sent plus son propre sang : la sève ardente du monde bouillonne dans ses artères. Je ne sais rien de plus vibrant que ces minutes où Verhaeren s’abandonne à une ivresse cosmique sans égale, où le monde extérieur et la notion de son propre Moi se confondent en lui :

Je ne distingue plus le monde de moi-même,
Je suis l’ample feuillage et les rameaux flottants,
Je suis le sol dont je foule les cailloux pâles
Et l’herbe des fossés où soudain je m’affale
Ivre et fervent, hagard, heureux et sanglotant.[1]

Toutes les formes de la nature ont ému sa sensibilité :

J’existe en tout ce qui m’entoure et me pénètre.[2]

Tous les phénomènes extérieurs lui apparaissent comme des manifestations de sa propre activité, comme des instants de sa propre existence :

  1. « Autour de la maison » (la Multiple Splendeur).
  2. « La Joie » (idem).