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sant : il a opposé un idéal éthique à un idéal métaphysique. Si, jusqu’ici, le désir de la connaissance, cette lutte sublime pour la conquête de l’inconnu, semblait seule capable de lier, par un rapport éternellement vivant, l’humanité et les forces nouvelles qui s’offraient à elle, une admiration continuelle, qui s’exalte jusqu’à l’extase, révèle un instinct peut-être plus précieux encore. Admirer, c’est plus que comprendre et que connaître. Il est plus beau de se donner entièrement, par amour, que de s’abandonner à une curiosité universelle. « Tout affronter vaut mieux que tout comprendre[1]. » Car, au fond de toute connaissance, subsiste un reste d’égoïsme, une trace de l’orgueil que provoque la conquête, tandis que l’admiration ne renferme qu’un sentiment d’humilité, de cette humilité profonde qui contribue à l’épanouissement absolu de la vie.

La connaissance est souvent obligée de s’arrêter en face d’énigmes redoutables : les ténèbres obscurcissent à chaque instant la voie dans laquelle elle s’engage. Dans l’admiration, dans l’extase, aucune limite ne s’impose au moi. Si maintes valeurs se refusent à la connaissance, aucune ne se dérobe entièrement à l’admiration.

  1. « Les Rêves » (la Multiple Splendeur).