Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et voici qu’un nouveau problème éthique apparaît pour Verhaeren. Il conçoit toute une gradation de valeurs, d’après le degré de liberté et de franchise qu’un homme peut mettre dans son admiration. Le plus avancé, à ce point de vue, c’est celui qui ne se dérobe à aucune impression, qui s’oublie lui-même dans toutes les manifestations de la vie. C’est dans cette ardeur à se donner que se marque le progrès moral.

Oh ! vivre et vivre et se sentir meilleur
À mesure que bout plus fervemment le cœur ;
Vivre plus clair, dès qu’on marche en conquête ;
Vivre plus haut encor, dès que le sort s’entête
À dessécher la force et l’audace des bras.[1]

Cet enthousiasme universel et continu doit être si vif qu’au terme de cette évolution, l’âme est saisie de vertige. La loi lyrique de l’extase suprême devient ainsi la norme éthique.

Il faut en tes élans te dépasser sans cesse,
Être ton propre étonnement.[2]

Par sa conception d’un enthousiasme perpétuel, Verhaeren a créé l’équivalent poétique d’un autre instinct humain, également puis-

  1. « L’Action » (les Visages de la Vie)
  2. « L’Impossible » (les Forces tumultueuses).