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mille ans ; il sait que ce sol que nous foulons aux pieds, avec insouciance, fut arrosé jadis du sang de martyrs.

Dites ! quels temps versés au gouffre des années,
Et quelle angoisse ou quel espoir des destinées.
Et quels cerveaux chargés de noble lassitude
A-t-il fallu pour faire un peu de certitude ?
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Dites ! les feux et les bûchers ; dites ! les claies ;
Les regards fous, en des visages d’effroi blanc ;
Dites ! les corps martyrisés, dites ! les plaies
Criant la vérité, avec leur bouche en sang.[1]

Il n’oublie pas non plus que les conquêtes d’aujourd’hui ne sont encore que des hypothèses devant les vérités, de demain. L’erreur est inévitable, mais elle ouvre des horizons nouveaux. Ainsi que le dit fort justement le poète tchèque Brezina, tout but est une île flottante qui s’éloigne dès que nous approchons. Le but suprême, c’est l’effort, c’est la vie portée à son plus haut degré. Rien de banal dans l’optimisme de Verhaeren. Il est assez mystique pour comprendre que l’inconnaissable et l’inaccessible prêtent aux choses leur impénétrable beauté. Mais cette certitude ne doit pas altérer notre enthousiasme.

  1. « La Recherche » (les Villes tentaculaires).