Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Si l’on s’élève à une conception aussi haute, les diverses professions humaines prennent une valeur poétique nouvelle.

Au premier rang des combattants, se présentent ceux qui se sont donné pour loi d’élargir le cercle de nos connaissances : ce sont les hommes de science. Seul peut-être parmi les poètes modernes, Verhaeren a élevé la science au même niveau que la poésie. Lui qui découvrait jadis dans l’industrialisme et dans la démocratie une nouvelle valeur esthétique, il découvre aussi à la science une valeur nouvelle, au point de vue moral et religieux. La science était un obstacle pour la plupart des poètes, qui redoutaient les lumières de la réalité. Elle dissipait les mythes, elle ébranlait les superstitions idéales, inséparables à leurs yeux de la poésie. Ils la trouvaient laide, parce qu’elle se présentait sans artifice et qu’ils n’en pénétraient pas la beauté intrinsèque. Aussi la valeur morale n’est-elle point ici dans la méthode, mais dans la fin. La science, pour Verhaeren, c’est le glorieux combat des héros nouveaux vers une conception nouvelle des choses : « Le monde entier est repensé par leurs cervelles[1]. » Il n’ignore pas

  1. « La Conquête » (les Forces tumultueuses).