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de l’irréel. C’est l’utopie, asservissant toutes les réalités, c’est le monde transformé par un rêve divin. Verhaeren découvre dans tout l’univers un effort cosmique. « Le monde est trépidant de trains et de navires[1]. » De tous côtés l’humanité se meut et s’agite : partout éclate l’énergie vitale, partout se poursuit la marche vers l’invisible, et peut-être vers l’inaccessible. Ces forces, qui lui apparaissaient autrefois séparément, se révèlent maintenant à lui dans leur intime cohésion ; à travers les actes inconscients des individus, il entrevoit un idéal : le but de l’humanité. Dans toutes les manifestations de la vie matérielle il découvre des forces éternelles : ivresse, énergie, triomphe, joie, erreur, attente, illusion. Et ces forces, ou plutôt ces formes d’une force essentielle, animent toute sa poésie. C’est ainsi que, dans les Visages de la Vie, il analyse le désir sous ses multiples aspects et ses fins diverses. Il suit ce sentiment dans les différentes sphères de l’activité humaine : il décrit toutes les inquiétudes, toutes les aspirations, toute la beauté du désir.

Mais ce ne sont pas seulement les manifestations humaines qui se révèlent à lui dans une

  1. « La Conquête » (la Multiple Splendeur).