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sentent plus isolées et détachées, mais dans le cercle d’une fin suprême qui les enchaîne. Aussi son inspiration ne va-t-elle plus éclore en des poésies séparées, mais en poèmes qui seront des chapitres d’un poème universel. Car le monde revêt à ses yeux d’autres formes, depuis qu’il l’entrevoit dans un enthousiasme conscient. Le surmenage de l’époque ne lui apparaît plus comme un phénomène isolé, mais comme la manifestation d’un principe permanent d’activité, d’une énergie vitale ; ce n’est plus un accident, c’est l’affirmation d’une tendance originelle reflétant les aspirations de l’humanité tout entière. Et, de même que son inspiration lui faisait entrevoir une synthèse de l’énergie, de même la connaissance des lois qui régissent l’univers le conduit à un principe suprême, à une loi cosmique.

Les lois créées par l’exaltation lyrique enveloppent la réalité comme une voûte céleste. Elles ne reflètent plus les imaginations confuses de l’adolescent que trouble le spectacle de la vie ; on n’y sent plus des aspirations inconscientes, vagues, obscurément inquiètes, mais cette ardeur impatiente qui pousse l’homme à franchir les limites de la vie pour s’élever jusqu’à la frontière qui sépare le monde terrestre