lente. Ses sens ne sont pas non plus émoussés : ils sont sains et normaux, ils ressentent profondément les sensations vives du dehors. Au rebours des autres poètes qui s’exaltent à la plus petite sollicitation et restent impuissants en face d’un spectacle qui dépasse leur sensibilité, Verhaeren ne se laisse pas facilement impressionner, mais, s’il est violemment heurté, il réagit fortement. L’art est, à ses yeux, un combat. Il n’aime pas les choses « poétiques » qui se présentent à lui dans tout le charme de leur beauté, mais bien celles qu’il faut conquérir et dominer. Par là s’affirme le caractère vraiment mâle de son art. Personne, en lisant son œuvre, ne serait tenté de l’attribuer à une femme, et il faut bien d’ailleurs reconnaître que notre poète n’a pas encore trouvé un public féminin. Ce n’est pas un élégiaque en effet, c’est un lutteur aux prises avec toutes les forces vives, et leur arrachant les voiles de leur intime beauté.
Cette recherche et cette conquête d’impressions individuelles devient bientôt la conquête du monde entier. Car Verhaeren se refuse à rejeter une sensation quelconque sous prétexte qu’elle apparaîtrait comme dépourvue de lyrisme : il ne veut pas distraire quelque élément de cette masse