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mant et réchauffant tous les courages. Geste toujours spontané et communicatif par lequel le poète s’élance vers les choses, se dégageant de la matière. Celui qui pénètre cette poésie sent battre ses artères, éprouve un besoin irréfléchi d’activité, se sent gagné par un enthousiasme qui le pousse à l’action. Et c’est là le terme de cette poésie : vivifier les sensations, animer l’esprit, réchauffer le cœur, développer les énergies et décupler les forces vitales.

Ce n’est pas seulement cette émotion essentielle qui distingue Verhaeren de tous les poètes qui transposent dans leurs vers des tristesses, des désirs, des intrigues et de la douleur. Verhaeren se meut dans une autre sphère : je dirais volontiers qu’il faut voir en lui un poète du jour. Nos poètes modernes semblent s’exalter dans les ténèbres : leur esprit indécis se plaît à la pénombre des crépuscules, où les choses s’adoucissent, et revêtent naturellement une forme poétique. Comme Tristan, ils ont horreur de la lumière, qui dissipe le rêve ; ils s’entourent de clair-obscur. Les vrais lyriques, au contraire, ont toujours chanté le jour : tels les Grecs, auxquels le monde apparaissait, sous l’éclat du soleil, dans son éternelle et joyeuse