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se hausser à la compréhension de ces passions suprêmes. Il veut enfiévrer les hommes au même degré que les personnages qui sont sur la scène ; il veut que leur sang batte à coups plus précipités ; il veut les arracher à toute froideur, à toute quiétude, à toute considération critique. Son tempérament, qui le porte entièrement vers la surabondance, son talent, qui ne se possède vraiment que dans l’exaltation, demandent des acteurs et des auditeurs passionnés. Peut-être lui faudrait-il rencontrer un comédien, frère par le génie, qui ne craindrait pas d’être qualifié de pathétique, et qui répandrait le torrent de ses vers en laissant éclater dans toute sa splendeur ce qui est en eux de démagogique et en faisant chanter toute la musique du rythme. Peut-être alors celui-là pourrait-il créer cette atmosphère idéale qui paraît nécessaire aux drames de Verhaeren. Ce n’est rien autre d’ailleurs qu’un sentiment enthousiaste pareil à celui qui les lui fit créer : emporter la foule, l’entraîner avec lui, non pas la convaincre par la logique ou l’éblouir par des images, mais l’emporter dans ce sentiment qui, pour lui, se confond avec la forme suprême du sens vital : dans la passion.