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trouve démontré que la passion, le désir d’échapper à un terrestre idéal, de se libérer d’un fardeau trop lourd peuvent faire de chaque homme un poète. L’idée que l’homme passionné et enthousiaste est supérieur au critique sans inquiétude, que, jusqu’à un certain point, la réceptivité aux grands sentiments est en fonction directe de la valeur morale, cette idée, disons-nous, s’accorde parfaitement avec toute la conception que Verhaeren a du monde. Les représentations ont légitimé l’emploi de ce nouveau style : le passage de la prose au vers au moment de la passion n’est nullement remarqué du public, et c’est bien la preuve qu’il y est nécessaire.

Cette flamme intérieure et passionnée qui brûle dans les poèmes de Verhaeren vit aussi dans ses drames. Les mérites de son œuvre lyrique se retrouvent tous en ceux-ci, et principalement cette extraordinaire puissance de vision. C’est elle qui dresse derrière Philippe II le paysage tragique de l’Espagne, qui arrondit au-dessus d’Hélène le doux ciel bleu de la Grèce dans tout son épanouissement, qui déroule derrière la tragédie des villes modernes le décor enflammé du ciel vers lequel se tendent les sombres bras des cheminées. Et toute cette