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allemande. « Être le rédempteur par la vie poétique des pauvres mots qui se meurent d’indigence dans la vie journalière[1] », voilà peut-être qui est supérieur à la création de nouveaux vocables. Verhaeren a hérité le sentiment de la langue flamande et, par là, apporté dans le français une sorte de tonalité belge. Certes, il ignore presque complètement le flamand, mais il a retenu quelque chose de la vague musique entendue pendant son enfance, une sorte d’accent guttural moins sensible sans doute aux étrangers qu’aux Français. Je voudrais m’appuyer ici sur la monographie de Maurice Gauchez, si intéressante sur ce point, et lui emprunter les exemples les plus significatifs. Parmi les néologismes de Verhaeren qui tiennent à ses origines flamandes, Gauchez signale : les baisers rouges, les plumes majuscules, les malades hiératiques, la statue textuelle, les automnes prismatiques, le soir tourbillonnaire, les solitudes océans, le ciel dédalien, le cœur myriadaire de la foule, les automnes apostumes, les vents vermeils, les navires cavalcadeurs, les gloires médusaires. Il fait remarquer avec raison combien certains

  1. Rainer Maria Rilke, Mir Zur Feier.