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sans souci des lois de l’esthétique, la mesure ordinaire du lyrisme, il puise sa force nourricière en des domaines voisins. Plus qu’aucun autre poète contemporain, il touche à la rhétorique, à l’épopée, au drame, à la philosophie : le contenu du poème ne contient point de règle. Et sans règle aussi en est la forme extérieure, puisqu’il n’obéit qu’à une puissance nouvelle et toute interne. Maintenant que les lignes ne sont plus enchaînées pour former des colonnes égales, le poète peut décrire ses impressions sauvages et débordantes avec les lignes qui leur sont propres, sauvages comme elles en leurs arabesques intrépides. Aujourd’hui, le poème de Verhaeren, avec les acquisitions que l’âge mûr a faites définitives, est en pleine possession de son architectonique particulière. Cependant, la comparaison avec un monument, une œuvre d’art, ne serait pas juste. C’est plutôt une manifestation de la nature. Élémentaire, comme tout sentiment, il trouverait son processus symbolique dans l’orage : d’abord une vision s’approche, c’est le nuage ; la condensation s’accentue ; il devient plus lourd ; il oppresse ; la tension intérieure augmente ainsi que la chaleur, jusqu’à ce que dans l’éclair des