Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sensibilité appropriée à notre époque. Nous comprenons tous que ces nouveautés échappent aux vieilles mesures de nos ancêtres. Ce n’est pas avec des sens déjà oblitérés que nous pouvons affronter cette vie nouvelle ; il nous faut acquérir une autre notion de la distance, une autre notion du temps, une autre notion de l’espace. Sur ce rythme de fièvres et de nerfs, il nous faut inventer une musique originale. Au stade où nous sommes de l’évolution humaine, morale, beauté, éthique demandent impérieusement à être renouvelées. Et de cette confrontation inattendue entre nous et le monde nouveau avec le nouvel inconnu, doit sortir aussi une religion neuve, un Dieu nouveau. Un sentiment cosmique, inconnu jusqu’ici, vient sourdre et s’élever en nous.

Mais ce qui est nouveau veut être coulé dans des expressions qui lui soient propres. Ce temps-ci veut ses poètes, des poètes dont la vision soit à sa mesure, des poètes qui, pour traduire les rapports nouveaux, parcourent entièrement l’orbe brûlant de la vie. Pourtant presque tous nos poètes sont timorés : ils se rendent compte que leur voix ne vibre pas à l’unisson de la réalité ; ils ne sont pas encore