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description pittoresque. La résonance extérieure suffit et la musique du rythme. Ces lignes inégales, qui tantôt vont pénétrer jusqu’à la marge et qui tantôt s’aiguisent dans la flèche d’un seul mot, constituent tout le clavier des impressions. Pour dire la monotonie de la solitude, les voici qui s’avancent, le pas grave, comme un noir cortège de deuil : « Mes jours, toujours plus lourds, s’en vont roulant leur cours[1]. » Comme l’éclat blanc d’une torche, voici ce brusque cri : « la joie », qui jaillit, au delà de toute pesanteur terrestre, au plus haut des cieux ! Toutes les voix du jour et de la nuit peuvent se traduire presque en des onomatopées : ce qui est brusque et soudain, dans une forme rapide ; ce qui est pesant ou magnifique, dans une forme large ; une rudesse soudaine conviendra à l’inattendu ; un mouvement fébrile et précipité sera adéquat à l’impatience ; un changement subit de mouvement indiquera la sauvagerie. Le rythme du vers, à lui seul, suffit à rendre toute impression. Dans nombre des poèmes de Verhaeren, un étranger, ignorant la langue française, pourrait en comprendre le sens, rien qu’à entendre leur musique

  1. « L’heure mauvaise » (les Bords de la route).