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dèles. Parfois pourtant, ses vers sont d’une forme un peu moins strictement régulière. Là sont, encore très légères, les fêlures qui plus tard vont faire éclater le vase. Mais la cause de ces petites insubordinations était dans la sauvagerie ou l’âpreté des sujets, dans une sorte de raideur du tour de phrase dont la race seule est responsable. Un étranger lui-même reconnaît facilement que la syntaxe et la prosodie ne sont pas là celles d’un Latin, sensible, par sa nature et par logique, à la plasticité de la forme ; on sent que ce n’est que par un effort puissant de sa volonté que ce tempérament barbare se plie, difficilement, à l’harmonie. Dans le français que Verhaeren emploie, on retrouve l’expression large et violente de sa race, quelque chose qui touche à la ballade allemande. Déjà le nom décelait l’étranger, et, dans le français de Verhaeren cette marque originelle ne saurait échapper à la fine oreille d’un de ses compatriotes.

L’évolution du poète le rapprochait de plus en plus de sa véritable nature. L’héritage en lui de sa race se révoltait davantage contre la tradition oppressive, et ses affinités germaniques se marquaient plus intensément dans ses vers. Tout son tempérament est opposé aux exigences de