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tout vrai poète, la technique, le métier, l’extérieur, en un mot, doivent suivre parallèlement l’évolution du contenu intime et spirituel de la poésie. Dans la forme, le poème devra manifester d’abord le respect de la tradition, puis la révolte de la jeunesse, l’acquisition de la personnalité, avant de se refroidir lentement jusqu’à la calcination définitive.

Dans ce sens, purement formel, le développement du poème verhaerenien a son histoire. Les vers de Verhaeren occupent dans les lettres françaises une place si originale et si caractéristique que la lecture d’une seule strophe suffit à en faire reconnaître l’auteur. Ils sont nés de la tradition ; ils sont le produit d’une certaine culture et se rattachent au mouvement d’une époque. Lors des débuts de Verhaeren, Victor Hugo, le roi du lyrisme français, était mort, Baudelaire oublié, Paul Verlaine presque inconnu. Les héritiers de Hugo se partagèrent son empire, comme jadis les Diadoques celui d’Alexandre. De lui ils ne conservèrent que le faste extérieur. L’éclat de leur verbe contrastait avec la minceur de leur voix et l’artificiel de leurs sentiments. Alors se leva, en face d’eux, en face des François Coppée, des Catulle Mendès,