Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.

organisme, cette âme qui est un souffle, un rythme, une essence très particulière et qui pourtant n’a pas de nom, qui intéresse le sentiment seul et échappe à la connaissance. Dans ce domaine suprasensuel se révèle la personnalité du poète ; mais, si celui-ci a du génie, son poème portera, physiquement, si je puis dire, et matériellement, une marque caractéristique. À côté du sentiment insaisissable et de la vibration mystérieuse, existe la matérialité du poème. Les mots font comme un réseau, l’expression semble un filet qui, dans les eaux profondes de la vie intérieure, s’en va capter le sentiment fuyant pour l’attirer à la lumière. Et c’est, disons-nous, cette matérialité, particulière à chaque poète, qui sera significative de sa race, de son milieu, de sa personnalité. Mais, tout comme un être vivant, cet organisme poétique n’échappe pas à la loi de croissance : il connaît la maturité et la vieillesse. Ainsi que le visage de l’homme, au cours de l’âge, emprunte ses modifications au caractère primordial de l’enfant, la structure du poème ne peut être autre chose que l’extrait de tout ce qui est typique et général. Elle doit accuser toutes les transformations de l’âme jusqu’aux dernières acquisitions. Dans