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Les valeurs lyriques même courent le risque de s’atténuer. Pour se faire comprendre, on verse dans la banalité de l’expression ; pour forcer l’attention, on se répète à chaque instant, et le désir qu’on a d’aboutir à l’exaltation suprême entraîne à des longueurs inévitables. Enfin, la clarté et la netteté des images font disparaître ce lyrisme mystique que Gœthe appelait l’incommensurable, et cette mystérieuse magie de la poésie se dissipe à la clarté du jour, au bruit des foules.

Mais, d’autre part, ce pathétique donne au lyrisme une richesse et une puissance incalculables. Le mot n’est plus une impression qui se cristallise, mais une exhortation directe qui s’adresse à la masse. La poésie lyrique vit, repliée sur elle-même : elle est à la fois question et réponse. La poésie pathétique n’est que l’attente d’une réponse. Sa force s’accroît avec le succès, et, dans l’inspiration qui l’anime, se confondent l’appel du poète et la voix de la foule, clameurs également formidables.

Une évolution naturelle a conduit Verhaeren à cette forme nouvelle de son talent. Les cris du peuple, les fracas des villes, les aspects nouveaux qui se présentaient à lui, n’éveillaient