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poèmes lyriques, car le poète veut entraîner à sa suite la masse du public. D’où ces répétitions si fréquentes dans ses longs poèmes et qui semblent s’adresser, dans un appel suprême, à une âme encore hésitante qu’il n’aurait pas réchauffée du feu de son enthousiasme. L’éloquence du poète donne un dernier assaut, brisant tous les obstacles qui résistaient encore à sa volonté.

C’est ici qu’apparaissent les écueils multiples auxquels se heurte le genre pathétique. Un premier danger, contre lequel Victor Hugo ne sut pas se défendre, c’est l’inconsistance du sentiment, dissimulant sa faiblesse dans l’ampleur du geste et dans l’ardeur factice d’un enthousiasme forcé. Le poète devra craindre également que sa phrase ne paraisse « plus sonore que solide[1] ». Mais il est encore un inconvénient plus grave : c’est une superacuité du sentiment, provoquée par une exaltation trop ardente et malsaine qui tombera brusquement au premier souffle contraire. Les poèmes pathétiques vibrent d’un enthousiasme continuel, et une forte excitation ne peut se maintenir longtemps au même degré.

  1. Albert Mockel, Émile Verhaeren.