Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il avait créé : « Je suis l’inventeur du dithyrambe », proclame fièrement Nietzsche. Son Zarathoustra est un livre de prédicateur qui exige du lecteur de puissantes vibrations synchrones. En France, Victor Hugo fut le premier à reconnaître la nécessité de l’éloquence. Cependant, il se place à la frontière idéalement étroite qui sépare le talent du génie. De Victor Hugo, en effet, ne pourrait-on dire qu’il est un des moindres parmi les poètes éternels, ceux qui sont comme les piliers monumentaux de l’humanité, et qu’il est en même temps le plus grand parmi les terrestres ? Il borna son inspiration à la France et sa pensée à la nation française, de même que Walt Whitman resta essentiellement américain. Il est vrai que Victor Hugo n’occupait pas une place assez élevée d’où il pût parler : il eût été plus grand s’il avait pu rester à la tribune, d’où le tonnerre et l’éclair auraient frappé la foule, tandis qu’elle n’entendit que le grognement sombre de sa voix du fond de son exil. De son œuvre, il ne subsistera peut-être que ces gestes de conjuration propres à l’orateur, qui sont ceux que Rodin a figurés sur le monument du poète et qui ne marquent rien, sinon la volonté d’émouvoir la passion. Cette volonté, Hugo en a fait